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C’est ainsi que tout commence. Je recouvre mes paupières de la chaleur de mes mains, m’offrant un abri à l’ombre de mes clavicules, et me laisse glisser dans les profondeurs de ma chair. J’embrasse la courbe du muscle rougi et gonflé par l’effort, guidée par mon souffle qui – tel un animal sauvage – fouille mes os cabossés à la recherche de chants du passé. Je devine dans la brillance d’une ancienne blessure les gestes trop répétés, et me demande combien de fois ai-je pansé une plaie humide avec des fleurs séchées. Peu importe. Je sais que la boule de tourbe pesant sur mon diaphragme finit toujours par redevenir poussière au contact de la lumière, que toujours finit par se calmer la rigueur cognant mon front de son incessant cliquetis métallique. Mais à cet instant, ce sont nos peaux duveteuses que je sens fondre lentement les unes contre les autres dans une étreinte lourde de sel et d’endorphine. Et c’est ainsi que tout commence, « le velours des ronces ».

Placer le corps au centre. Ce réservoir mystérieux chargés de résistances et de survivances. Dire le corps de la danseuse, celui dont l’engagement total se fait et se défait à même sa chair.

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Partant de mon expérience vécue en tant que danseuse contemporaine professionnelle, ce projet est née du besoin de comprendre le silence pesant sur nos corps marqués. Craintes et douleurs étant comme scellées dans les tissus d’un corps sollicité à devenir un outil performant. Il s’agit ici d’écouter les traces laissées par l’effort pour dire nos corps. 
 

Au cours du travail de recherche, j’ai recueilli des témoignages de danseuses de mon entourage, toutes professionnelles, avec qui je partage l'intimité des tournées. Des paroles aussi blessées qu’exaltées évoquent les souffrances physiques et psychologiques mais aussi, et peut-être surtout, la ferveur d’un corps chargé de désir, d’ardeur et de souffle. Leurs corps transgressent les attentes de représentation, de virtuosité et de performance pour enfin se déployer sans entraves. Un état de silence dans le creux de l’effort, de courage et de pure présence.
 

Cette expérience vécue et partagée dans la réalité de la danse révèle la dimension universelle des émotions

habitant l’être humain. Ce travail Le Velours des ronces dépasse aujourd’hui le corps des danseuses. Ces

photographies inventent un espace d’émancipation et de réparation célébrant la puissance des femmes comme sujet à part entière.

Des corps-matière, des corps-refuge, des corps-savant. Car nous sommes notre corps.​​​​​

 

Le Velours des ronces

©Julie Charbonnier

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